Clarisse se trouvait dans la demeure de ses parents, au fond du salon, où elle s'occupait de son petit frère âgé d'à peine six ans. La pièce était sombre en cette journée brumeuse et le martellement des goutes d'eau sur la vitre se faisait entendre. Les deux enfants essayaient de s'occuper à l'intérieur de la maison tandis que leur mère préparait le repas à l'autre bout de la pièce.
Près de la fenêtre, l'ainée avait pris son petit frère sur ses genoux et le faisait sauter en l'air, lui donnant l'impression de s'envoler un court instant. Ils riaient tout deux aux éclats quand la porte de la maison s'ouvrit. Leur père apparut à l'entrebâillement de la porte. Il était rouge comme une écrevisse et cela commençait d'ailleurs à devenir son teint habituel. Il entra alors et tituba jusqu'à la table. Une forte odeur d'alcool l'entourait et avait vite envahie toute la pièce. Il demanda ensuite à sa femme de lui servir à boire mais celle-ci refusa, prétextant qu'il avait déjà bien trop bu. Cependant, l'homme voulait absolument continuer à boire, certainement déjà en manque, et commença à hausser le ton pour que sa femme lui obéisse. Mais elle résista et lui servit simplement un verre d'eau. Le Nara, insatisfait, lui aboya que ce n'était pas ce qu'il voulait et se leva brusquement de sa chaise, la faisant tomber à la renverse. Il jeta alors l'eau au visage de sa femme et y ajouta un cracha puant d'eau de vie. Puis, ne contenant plus sa colère, comme cela lui arrivait souvent, il s'approcha de celle-ci et la plaqua violemment contre le mur de la cuisine. Il pausa alors ses mains crasseuse autour de son cou et commença à serrer de plus en plus fort. Il était si proche de la jeune femme, qu'elle devait être submergée par l'horrible haleine de son bourreau. Lui semblait apprécier le contact de ses mains avec la gorge de sa victime, écouter sa respiration qui devenait saccadée et sentir qu'il pouvait à tout moment briser cette chair. Il hurla alors qu'il voulait sa bouteille et resserra un peu plus ses mains. Tellement ivre qu'il était, il postillonna et buta sur chaque mot qu'il prononça, ce qui ne fit qu'accentuer sa colère. De plus, sa femme ne cédait pas. Et pour l'obliger a faire ce qu'il voulait, le mari attrapa un couteau sur la table et le mit sous la gorge de sa femme. Il appuya petit à petit la lame bien tranchante du couteau à viande sur le cou de celle qui lui faisait face, si bien qu'on commençait à y voir perler de petites goutes de sang. La femme ne disait rien, mais aucune peur ne se lisait sur son visage. Pourtant, elle savait qu'elle allait mourir. Et elle avait raison. En effet, l'homme laissa finalement sa colère et sa frustration l'emporter sur la raison et trancha la gorge de celle qu'il avait épousé plusieurs années auparavant d'un coup sec et rapide. Cette dernière s'écroula alors par terre et une marre rouge opaque se dessina rapidement autour d'elle. L'homme admirait le spectacle, immobile, un sourire sadique sur le visage.
C'est alors qu'il entendit un cri provenant de l'autre côté de la pièce. C'était son fils, Enki qui sanglotait et criait tant l'horreur de ce qu'il avait vu était difficile à supporter. Sa sœur tentait de le calmer, de peur que son père s'en prenne à eux. Mais il était déjà trop tard, l'homme se dirigeait vers eux d'un pas assuré. Les deux jeunes enfants comprirent alors que le danger était imminent. Ils se levèrent donc et partirent en courant vers la porte. Mais pas assez rapides, leur père les rattrapa. Le plus petit reçut un coup de couteau en pleine poitrine et s'effondra aussitôt. La jeune Clarisse, bien que profondément choquée par la scène et une douleur lancinante dans sa poitrine, profita de son instinct de survie assez développé et courut de toutes ses jambes vers la porte. Mais son père eut tout de même le temps de lui entailler profondément l'avant bras en tentant de la retenir. Cependant, elle lui échappa. L'homme hurla alors de rage au bas de la porte, mais trop ivre pour marcher, la laissa partir.
La jeune fille courut longtemps jusqu'à arriver dans la foret du village. C'était le seul endroit où elle se sentait en sécurité et loin de son bourreau. Là, elle laissa échapper sa tristesse et poussa un cri strident.
Clarisse se réveilla alors en sursaut, encore étourdie par la puissance de son cri de désespoir. Elle ne savait jamais si elle le poussait pour de vrai ou seulement dans son rêve, mais peu importait. Elle était trempée de sueur et terriblement effrayée comme à chaque fois. Oui, elle avait encore fait ce rêve, elle le faisait tous les jours depuis maintenant huit ans. Il était toujours aussi insupportable, toujours aussi atroce. Et chaque jour, la jeune fille peinait à se lever et à revenir au présent. Mais elle n'avait pas le choix, la vie continuait et l'envie de se venger finissait toujours par la pousser en avant...
