Maison de Kanashi Nara

(...)

ruelle d'Iwa
-La mort de la mère

musique

La note s’envola de sa prison de sa prison de bois. Libre et légère, elle se laissa porter au gré du souffle rauque et lourd. Elle traversa le salon, lorgnant la cuisine pour finalement s’éteindre sur le palier. Une deuxième suivit, puis une troisième. La suite d’une longue mélodie.
Les mains de Kanashi s’envolaient, agiles et furtives. Apparaissant ci et là. Libérant telle note, tel accord , glissant sans peine sur cette surface bitonale.
Le blanc mêlé au noir, se passant la relève à tour de rôle. Peut-être les touches noires revenaient plus souvent. Signe d’un manque de couleur dans une vie bouleversée. Une vie chamboulée par la perte d’un père.
Un long silence.
Puis la reprise. Plus triste encore. Les notes devenues pesantes. Note après note, la mélodie sans fin. La mélodie de la vie et de la mort.
Une vie longtemps attendue, pour une courte durée. Une vie tant espérée qui finalement n’apporte que peine et regrets.
La mélodie changea. Les accords passèrent en mineur. Le rythme ralentit pour ne devenir qu’un simple murmure.
Le pied enfoncé sur la pédale.

L’atmosphère changea. Il était prêt pour l’attaque finale. Une succession de notes allant du plus grave au plus aigu. Une montée en suspens ou chaque note retenait l’attention.

La sonnette retentit.

La main dérapa, l’enchantement se brisa. Les notes s’enfouillèrent en désordre. Kanashi tressailli. En tremblant il se leva. Ferma son piano. Le claquement sec que cela produisit résonna encore longtemps dans la pièce. Messager d’une nouvelle brutale, d’une autre peine.
Sans se presser, il se dirigea vers la porte d’entrée. Chercha quelques instants les clés dans un petit monticule d’objets hétéroclites situés à coté, l’enfonça dans la serrure, deux tours à droite.
Un homme lui apparut. Il était de taille moyenne, ses cheveux noirs étaient sales et gras. Ses vêtements marquaient un état d’activité prolongée sans interruptions.
Sa veste de cuir noir était rapiécée. Une tache brune l’ornait sur sa manche droite.
L’homme sembla reprendre son souffle. Il respira fortement pendant une petite dizaine de secondes. Il leva enfin les yeux.

« Vous êtes bien Kanashi Nara ? »

Demanda-t-il . Sa voix marquait l’épuisement qu’il devait y avoir en lui.
Kanashi profita du fait qu’il pouvait enfin voir son visage pour l’analyser.
Il paraissait triste. Ses pommettes étaient creusées par la fatigue et quelques cernes habitaient le dessous de ses yeux. Sa bouche formait un rictus grimaçant.
Il tendit la main.

« Enchanté, moi c’est Imonuki Yamatana. J’aurai mieux aimé te rencontrer en d’autres circonstances. Mais c’est la vie. »

Kanashi la serra à contrecoeur. Il ne comprenait pas ce que c’est homme venait faire là. Il faillit refermer la porte tellement il voulait rester seul. La mort de son père l’avait chagriné à un point tel qu’il n’aurait jamais su l’imaginer avant.
L’homme s’attendait apparemment à plus de spontanéité car il continua en hésitant un peu de la démarche à suivre.

« Heu tout va bien ? »

Il sembla réfléchir quelques instants. Trouver une solution, une façon de comprendre.Kanshi, lui, ne réagissait toujours pas. Il avait déjà vu ce genre de vêtements, cela lui rappelait quelque chose. Cela le titillait. Il allait s’en souvenir, il devait s’en souvenir.

« Ho je sais ce qui vous choque. Ce sont mes habits n’est-ce pas ? »

Kanashi tourna la tête violemment. Il allait enfin savoir…Non… Il se souvenait.
C’était l’uniforme des médecins de la morgue. Quand il avait demandé à sa mère ou voir le corps de son père, elle lui avait dit d’aller voir à la morgue. Il y était allé, il s’en souvenait bien à présent. . Tous les hommes présents là-bas portaient cette veste en cuir. Et l’homme en face de lui avait montré le corps de son père. Oui, c’était bien lui. C’était lui même qui n’avait pas voulu le laisser seul avec le corps. C’était lui…

« Oui, j’avoue, je n’ai pas eu le temps de passer chez moi me changer. Je le regrette très fort maintenant. . Ce que je dois vous dire, je n’aurai jamais voulu le faire. »

Kanashi sentit le doute monter en lui comme une colère grandissante. Cet homme osait le déranger en plein morceau et pour en plus lui apporter de mauvaise nouvelles en costume de croque-mort.
La veilleuse du vestibule s’éteignit à cet instant, ne laissant plus que la lumière des lampadaires pour éclairer la scène.
L’homme regarda d’un air inquiet dans le dos de Kanashi. On pouvait sentir la peur monter en lui au fur et à mesure que son interlocuteur restait silencieux.

« Je sais cela risque d’être très douloureux pour vous. Mais dans la vie il y a des épreuves à surmonter. Vous en avez déjà eu une malheureusement. Et je pense que vous n’aviez pas pensé en avoir une autre si peu de temps après. Sachez que je m’en veux d’avoir à porter une nouvelle pareille. Monsieur Nara !
Votre mère est décédée pendant la nuit…
Elle s'est suicidée...»

Ce fut comme si tous les malheurs du monde tombaient en même temps sur le cœur de Kanashi. Une envie de mourir, de se mettre à frapper, de tuer. Une envie de se libérer de toutes ses obligations et de se laisser envahir par la tristesse. Une longue lutte intérieure commençait en Kanashi.
Une lutte qui tracerait sa destinée.
Il attrapa l’homme par la gorge et le souleva en le plaquant contre le mur. Son visage était déformé par la tristesse,la souffrance et la haine.
Il cracha en un souffle des mots froids, carrément glacés.

« Tu es venu m’apprendre ça ! Tu ne mérite qu’une chose, déchet !
Mourir !!!! »

L’homme émit un gloussement. Ses yeux débordaient d’une peur incontrôlée.
Petit à petit sa respiration ralentissait, a mesure ou la main de Kanashi confirmait son étreinte. Une étreinte de plus en plus mortelle.
L’homme fut agité de sursauts, tenta de se débattre. L’agitation de celui qui sait qu’il va mourir. Mais Kanashi ne relâchait pas. Son visage affichait maintenant un affreux rictus de haine. Il tendit l’homme encore une bonne seconde après que la vie l’eut quittée.
Le corps flasque retomba sur le sol et Kanashi réalisa ce qu’il avait fait.
Il s’agita, transporta le corps dans sa cave ou il l’enterra avec empressement.
Il remonta dans son salon et se trouva face à face avec un miroir. Il se regarda quelques secondes, exténué par les efforts déployés ces dernières heures.
Soudain il se prit la tête entre les mains et cria. Un cri d’agonie, comme une bête blessée. Un cri de solitude. Une solitude qui semblait l’habiter au fur et à mesure. Le visage de son père et de sa mère pris place devant ses yeux. Coter à coter, souriants. Il s’affala sur son lit, se tortillant dans tout les sens, libérant une douleur inépuisable qui n’avait fait que s’accumuler.
Il continua ainsi pendant une bonne vingtaine de minutes. Puis, il sembla qu’il revint à la raison. Il s’assit sur le lit.

* Papa, maman. Je vous le jure ! Je vous ramènerais à la vie. Quelles que soient les voies à choisir. Je vous ramènerais.*

Il s’assoupit ensuite, exténué. A ses pieds, son ombre s’agitait. Une ombre devenue rouge, rouge sang.

Kanashi Nara, l’ombre de sang.

[ Nara Kanashi : +8 Xp/RP ]

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