J'ouvris les yeux et fixai le plafond de ma chambre, trop courbaturé pour tenter quoique ce soit. J'avais poussé les limites de mon corps à l'extrême et j'en subissais à présent les conséquences. Mon bras me grattait affreusement. Je soupirai longuement et cherchai de ma main meurtrie à me soulager. Pourtant, mes doigts n'appréhendèrent qu'une matière rude et insensible. Horrifié, j'écarquillai les yeux et me levai prestement. Tout du moins essayai-je car lorsque ma jambe droite tenta de se plier, une douleur fulgurante m'asservit et une explosion de couleur fusa dans mon regard. Assis, j'attendis patiemment que les affres de ma tentative malheureuse se calme. Une fois chose faite, j'inspirai longuement et balayai mon corps d'un regards anxieux ; je pris connaissance de l'étendu des dégâts.
Mon bras était enrobé de bandage laineux et parfumés, ma jambe droite était prise dans l'étau d'une attelle, ma tête semblait recouverte de coton imbibé dans une matière non-identifiable, ma peau était contusionnée à plusieurs endroits et je décelai moult égratignures plus ou moins profondes.
J'ouvris la bouche, comme pour protester mais je me ravisai lorsque cette dernière craqua sourdement.
*Je suis salement amoché. Faudra que j'aille faire un tour à l'hopi... *
Des bruits de pas parvinrent à mes oreilles. Légers mais distincts ils venaient dans ma direction. Je fronçai les sourcils : je vivais seul. Qui cela pouvait-il bien être ? La poignée frémit puis s'abaissa lentement, très lentement. Je déglutis, paniqué et attendis, inerte et inapte que la porte s'ouvre. Celle-ci craqua très légèrement en dépassant son encadrement puis glissa silencieusement. Je fermai subitement les yeux et fit mine de dormir, j'étais décidé d'attendre que mon opposant se rapproche pour l'immobiliser avec mon ombre. Ma main droite s'étant rapproché de la gauche, j'étais prêt à réagir.
Mon interlocuteur se rapprocha à pas feutré cherchant de toute évidence à me prendre par surprise. Mes lèvres remuèrent imperceptiblement lorsqu'une voix distincte que je connaissais bien brisa la quiétude occurrente.
"Hishigi chéri, il est temps de te lever maintenant."
J'ouvris immédiatement les yeux et retins de justesse un soupir de soulagement. Quel idiot je ferais si ma mère apprenait que je l'avais confondu avec un quelconque voleur ou pire : un assassin. Cette dernière ne remarqua rien et déposa quelque chose à côté de ma tête. Elle s'éloigna alors et ouvrit abruptement les rideaux qui jouxtaient mon lit et confinaient la pièce dans une pénombre absolue. Une vague de lumière inonda les lieux, tant et si bien que j'en fus aveuglé un court un instant. Je fis mine de me réveiller, les sourcils froncés, les yeux à moitiés ouverts et le visage figé dans une moue de désapprobation.
"Qu'est-ce qui se passe ? Maman ? Qu'est-ce que tu fais là ? Où suis-je ? Qu'est ce qu.... "
D'un doigt sur sa bouche elle me fit taire. Puis, Myuki Nara s'assit sur le rebord du lit et entreprit de me conter le pourquoi du comment tout en me caressant les cheveux, comme elle le faisait jadis.
Je sus que mon senseï m'avait emmené à l'hopital, lequel avait prévenus ma famille de mon état relativement déplorable, lesquels étaient venus me chercher et m'avaient emmenés dans notre domicile familiale en bordure du village. Ils avaient alors immédiatement contacté un médecin renommé, du moins mon père avait usé de ses relations pour se l'approprier et ce-dernier ne devrait pas tardé. D'ici là j'avais pour ordre de ne pas bouger et de me reposer. Après plusieurs dizaines de minutes, ma mère se tut et acheva ce long laius (car elle avait tendance à raconter les histoires avec beaucoup de précision et qui dit précision dit détails, bien que ces détails-là soient souvent maximisés, et qui dit détails dit long monologue. D'autant plus qu'elle parsemait ses récits d'interjections ou d'appréciations personnelles.) par un : "Mon pauvre chéri." tout en m'ébouriffant tendrement les cheveux.
"Ainsi donc, j'ai l'épaule démise, la jambe droite fracturée en de multiples endroits, la tête sévèrement contusionnée et le corps couvert d'éraflure et de bleus en tout genre...
-Et tout ça à une semaine de l'examen chunin !"
Cette voix... J'aurais pu la discerner entre mille : Hisashi nara. Je soupirai. Décidément, tous les éléments étaient réunis pour gâcher ma matinée. Non pas que je n'aimais pas mes parents, au contraire, mais suite à ma mésaventure je sentais venir leur leçon de morale.
Mon père soupira et je décelai dans ce soupir un air de famille. Cela m'arrachait un petit sourire en coin. Ayant toujours voulu lui ressembler, j'avais copié inconsciemment plusieurs de ses tocs.
"-Un entraînement n'est pas un combat à mort. Tu as vu dans quel état tu es ? Heureusement que j'ai des relations. Sinon, tu n'aurais pas pu participer à l'examen chunin. (en voyant mon air déconfit, un petit sourire malicieux se dessina sur son visage) Tu es bien inscrit n'est-ce pas ?"
Je déglutis. 'Un Chuunin doit savoir montré son courage à ses partenaires quand le besoin se fait ressentir et la capacité à tenir dans de mauvaises situations. Il doit être un bon chef d'équipe.' Cela faisait beaucoup de responsabilités à assumer et surtout beaucoup de défis à surmonter. Être courageux n'était pas à proprement parler une de mes qualités. L'opiniâtreté non plus et le sens des responsabilités encore moins.
"J'ai estimé être encore trop jeune pour affronter ce genre d'évènement. De plus, je ferais sans aucun doute un piètre chunin. Je suis pragmatique avant tout et cet esprit rationnel nuira sans aucun doute à mon esprit "paternel" de chef d'équipe."
Mon père soupira mais paru amusé par ma réponse.
"Tu es bien trop prévisible. Figure toi que je livrai le même discours à mon propre père quand j'avais ton âge. Et tu sais ce qu'il me répondait ? Qu'un chunin est avant tout un fin tacticien qui n'enverra pas ses hommes à une mort cetaine sans s'être assuré qu'il n'existe pas d'autres alternatives. Tu es ce genre d'homme. Tu es réfléchis et c'est cette qualité qui fera de toi un excellent chunin. Tu es voué à diriger. Non pas une nation ou un village mais une équipe. Crois moi, ce talent là surpasse de beaucoup ta pseudo-lâcheté qui n'est en somme qu'une lucidité exacerbée.
Après, je ne t'oblige à rien. Tu es libre de faire ce que tu veux et ce dès lors que tu as ceins ce bandeau là. D'ailleurs, l'examen chunin est dangereux et si tu n'es pas bien préparé, tu ne pourras aller jusqu'au bout d'une part mais tu pourras également y laisser la vie."
Il se détourna de moi et entrepris de s'en aller. Pourtant, il s'arrêta sur le seuil de ma chambre et sans se retourner m'adressa une ultime recommandation.
"Sonde ton coeur et réveille ta raison. Il est temps de faire un choix. Reste dans l'ombre, contente toi d'obéir à des ordres et bride ton talent de stratège ou tente d'outrepasser ce que ta raison te dicte. Pour une fois, je te conseille d'écouter ton coeur, d'écouter ton orgueil et tout ce qui va avec. Stimule ta volonté et n'oublies pas : tu es un descendant du clan nara, probablement un des derniers et tu présentes qui plus est de forte prédisposition pour nos techniques secrètes. Tu as donc sur les épaules l'espoir de toute une communauté, de ta famille au sens large du terme et d'un père désireux de redorer les couleurs d'un clan déchu.
Voilà, tu as toutes les cartes en mains, réfléchis y consciencieusement. Tu es à la croisée des chemins..."
Sur ce il s'éclipsa sans mot dire. Je sentais le regards oppressant de ma mère couvé mon visage mais je me contentai de fixer le plafond.
"Tu n'es pas obligé de le faire hi' chéri. Ton père te met la pression pour s'assurer que tu pèses le pour et le contre mais il ne t'en voudra pas si tu décides d'attendre la prochaine fois.
-Il ne fait pas que me mettre la pression maman. Il veut que j'y aille et par dessus tout, il veut que je devienne chunin le plus vite possible et ce pour l'honneur et la gloire. Il m'a demandé d'écouter mon coeur, chose qu'il ne ferait pas en temps normal.
-Je sais. Pourtant, il faut que tu saches que cet examen est vraiment compliqué. Peu sont promus et certains y perdent la vie.
-Père vient de le dire.
-Oui mais....
-Laisse moi tranquille s'il te plaît.
-Bien. Je t'ai apporté ton petit déjeuner. Appelle moi si tu as besoin de quoique ce soit."
Elle se leva souplement et de sa démarche gracieuse s'en alla en laissant planer derrière elle ce doux parfum si caractéristique de mon enfance. Pour la petite histoire, j'appris plus tard que mon père avait remercié mon senseï pour m'avoir donner une bonne leçon et qu'il en avait profité pour faire le point quant à mon niveau. Ce-dernier lui aurait dit que je disposais d'un enseignement suffisant pour espérer devenir chunin. Suffisant mais pas nécessaire. En somme, je connaissais le strict minimum pour affronter les autres genins.
Je soupirai, d'un soupir morne et taciturne.
Les rayons du soleils filtraient l'immense baie vitrée qui donnait sur une petite terrasse, faisant scintiller les particules de poussières en suspension.
Je m'assis tant bien que mal sur mon lit et déjeunai du mieux que je pus. Puis, je m'allongeai précautionneusement et m'endormis naturellement.
*Je réfléchirais après... Oui après... *
****************************************
À mon réveil,mes bandages avaient disparus et plus aucun membre ne me faisait mal. J'étais comme qui dirait guéris, délivré de mes blessures passés. Je fronçai très légèrement les sourcils avant de comprendre de quoi il en retournait : le fameux médecin était venu et m'avait soigné selon ses méthodes. Je levai devant mes yeux mes deux mains, les fermai puis les ouvris simultanément et ce plusieurs fois. Puis, je malaxai mon épaule et pliai ma jambe droite sans être envahit par une quelconque douleur. Admiratif je hochai la tête et remerciai intérieurement l'ami de mon père.
*Balèze le médecin... Ouais, réparer tout ça en si peu de temps... super balèze même... Si j'avais à choisir pour une possible réincarnation, je serais médecin moi aussi. Pouvoir soigner aussi aisément n'importe qu'elle blessure, sa fait envie.*
La joie de retrouver mon corps sain éclipsa quelques instants la lourde responsabilité qui m'incombait. Pourtant, je recouvrai très vite mes esprits et tout ce qui allait avec. Devais-je aller à cet examen ? Choisir entre son honneur et sa santé pourrait être simple au premier abords. Mais les enjeux étaient tels que je me devais de peser le pour et le contre avant de prendre ma décision.
Je me levai délicatement de mon lit et sortis sur ma terrasse. La maison était vaste bien que sobre et discrète et son domaine comprenait bois et torrents, plaines et champs. Je respirai à plein poumons cet air pure et m'enivrai de tous les souvenirs qu'il renfermait. Je me voyais alors courir dans les hautes herbes, trébucher sur les cailloux et tomber dans un petit court d'eau, couper des branches pour m'en faire des armes et jouer aux ninjas dans les arbres. Je me voyais jeune et juvénile, candide et accorte. Mon visage était la jouvence même et mes yeux scintillaient comme deux pierres précieuses délicatement incrustés dans une roche douce et délicate.
Je soupirai. Ce passé était révolu et aujourd'hui, j'étais suffisamment mature pour affronter les affres de la vie seul, sans l'aide d'autrui.
L'air frais balayai les quelques mèches récalcitrantes de mon visage et caressait mes joues de son accorte candeur. Mes yeux, par un jeu de lumière subtil car ébène d'origine, brasillaient comme deux rubis rutilants enchâssés à même ma douce frimousse ardemment juvénile. Debout, les jambes droites, le dos légèrement arqué, le buste fier j'arborai les couleurs de mon clan sans arrogance aucune.
*Je suis un ninja de konoha et je suis un membre du clan nara. J'ai une double responsabilité et je ne peux me défiler. Je me dois d'affronter mon destin et d'avancer contre vents et marées, bravant tous les défis avec un maximum de volonté. Je n'ai pas le droit de me défiler sous un faut prétexte de lucidité car cela n'en serait pas une. Vouloir sauver sa peau n'en est pas. Vouloir se préserver n'en est pas. J'ai finis deuxième du tournois inter-genin. Je suis pro ninjutsu, pro juinjutsu, membre du clan nara. Je dispose d'un arsenal de techniques important, d'une quantité considérable de chakra. Je suis L'élément de soutien par excellence et je peux même, en un contre un être un adversaire de choix. Il est donc ridicule de prétexter mon âge ou mon talent pour me défiler. Après tout, en étant partial au possible je dois avouer que je dispose du talent nécessaire pour participer.
Peut être n'y arriverais-je pas. Pour autant, être pragmatique ne veut pas dire s'engager dans une voie lorsqu'on est sûr de sa réussite mais mettre toutes les chances de son côté. De même qu'en agissant ainsi, en étant précautionneux alors j'éviterais le pire, j'éviterais d'y laisser la vie. C'est comme quand on veut attraper une pomme sur un arbre. On peut tomber certes, mais si on n'essaie pas, on n'y arrive pas. Par ailleurs, on peut se munir de corde ou de grappin pour maximiser ses chances... *
Je me redressai de toute ma stature et tendit un poing vindicatif devant moi.
*Je vais le faire ! Pour mon village, pour mon clan, pour ma famille et pour moi ! *
Résolu, je me détournai du paysage, enfilai une légère tunique de soie et ouvris la porte de ma chambre. Après un bref coup d'oeil en arrière, je me résolus à affronter mon père et par extension ma mère qui bien que docile en apparence détenait tous les pouvoirs à la maison.
Mon père écrivait un rapport vraisemblablement et ma mère arrosait les plantes. Aucun des deux ne levaient les yeux sur moi mais tous attendaient que je prenne la parole.
"Père, qu'avez vous répondu à votre propre père ?"
Ce-dernier sourit et plongea son regard dans le miens. J'y lus de la gratitude et je crus même déceler un vague soupçon de nostalgie. À côté, ma mère soupira de déception bien que je la savais heureuse pour moi.
"Je lui ai dis que je participerais : pour mon village, pour mon clan, pour ma famille et pour moi."